En décembre, il pleut des singles
 

J’ai été récemment éclaboussé par cinq disques majeurs, qui resteront dans mes annales musicales. Il s’agit de 5 singles… le format court a ce quelque chose de chérissable, de direct, qui fait qu’on peut se sentir en osmose avec l’objet.

Comme on ne se refait pas, désolé mesdames et messieurs, il y aura des groupes déjà chroniqués par moi-même avec ferveur. Mais, afin de vous prendre à contre pied, parlons tout d’abord de Haïku. Un groupe rouennais encore inconnu, mais qui, l’espace de trois morceaux, se dessine un avenir prometteur. ‘Summer circles plot’ est un trésor à lui tout seul, emmené par une voix bowiesque, des mélodies prenantes et une électronique légère et envoûtante. On croisera Bowie (l’influence avouée du groupe), New Order, Perio, qu’Haïku sert sur un plateau d’argent. Un futur grand ?

Acuarela, LE label espagnol à surveiller est l’initiateur de deux E.P. à acheter et à éouter les yeux fermés. Le premier est un single partagé par deux groupes, Chris Brokaw et Viva las Vegas, chacun bénéficiant de deux titres pour s’exprimer. Chris Brokaw, déjà croisé sur des structures lo-fi underground américaines ( Codeïne, Bedhead) se la joue en solitaire, accompagné par Thalia Zedek (sur Bricks), l’ancienne chanteuse guitariste du groupe Come. Un rock aux contours classiques mais ayant ce je ne sais quoi de magique. Une magie incontestable retrouvée chez Viva las Vegas, groupe espagnol qui accouche d’un post folk rock évoquant Come, Scott Walker et Mogwaï. Deux titres jouïssifs et splendides.

Sr. Chinarro, lui, confirme sa verve actuelle et sa prolixité. La casa encima est le refuge de 4 titres éloquents de noirceur, de sensibilité et d’amertume. Proche du remarqué La pena maxima,sorti l’an passé, on retrouve cette même manière chez Sr. Chinarro de s’exposer, lui et ses faiblesses, à travers des morceaux où sa voix grave prime, surplombant une musique minimale mais essentielle.

Un minimalisme également prôné par Low, qui s’est aventuré à reprendre les Smiths. Les reprises des Smiths, on est en seriné tous les jours, et pourtant ce " Last night, I dreamt that somebody loved me " est abordé sous le meilleur des angles. Sans dénaturer le version originelle, le groupe a donné une âme nouvelle à cette chanson, en l’agrémentant d’un violon, qui saisit l’auditeur et illustre les paroles. Un coup de maître, d’autant que le 2ème titre de ce single, " Because you stood still ", est aussi une réussite aux cordes singlantes.

Mais le single de l’année, il nous vient de Mogwaï et de  "My father, my king" (Jewish song). Epatés par une chanson traditionnelle juive, les Ecossais en ont fait une très libre interprétation, pour aboutir à leur meilleur titre jusqu’ici, celui qui parachève leur concert. Un post-rock progressif avec de nettes accents orientaux, des riffs de guitares insensés, des montées en puissance de dégénérées, un délire terminal terrible. Jamais rien de tel ne nous avez été permis d’entendre.

Haïku, Post Human Advertisement,(Autoproduit, Tel :06 62 64 53 31)
Chris Brokaw and Viva las Vegas, (Acuarela/Poplane)
Sr. Chinarro, La casa encima, (Acuarela/Poplane)
Low, Last night I dreamt that somebody loved me (Chairkicker’s Music/Import)
Mogwaï, My father, my king (Rock Action Records/PIAS)


"Il est fort ce Quentin! Toujours plein de bons conseils, et pas avare avec ça; ce mois-ci, pour vous qui vous apprêtez à offrir des disques, voici une rallonge de sélection par Monsieur Quentin":

PRESTON SCHOOL OF INDUSTRY
" All this sounds gas"
(Domino/Labels)

Pavement dissout, Scott Kannberg, ombre de Stephen Malkmus à la guitare, décide de donner vie à son propre projet. Sans trop s’éloigner de là où il vient, P.S.O.I. se fraie un chemin tout à lui, grâce à l’intervention de nombreux instruments : trompette, trombone, violoncelle…

L’album reste cependant confiné à une certaine platitude. Folk rock sans fioritures, paroles acérées et efforts mélodiques ne saisissent pas franchement même si All this sounds gas recèle quelques titres appréciables (Falling away, Encyclopedic Knowledge) pouvant convaincre l’acheteur potentiel.

MINA.
"A to B"
(Bungalow/Labels)

Krautrock, disco, post rock, électro pop, laissez mijoter et imaginez le résultat. Le quatuor berlinois, tiraillé entre esprit dance-floor et format rock, livre une musique essentiellement instrumentale, à mi-chemin entre synthétique et électrique, à mi chemin entre 70’s et 90’s.

A to B, jouissif à souhait sur certains morceaux (A lover, Radio) s’essouffle un peu sur la longueur et laisse malheureusement un peu sur sa faim. Toutefois, on peut envisager un avenir plutôt clément pour le groupe.

HOOD
" Cold House"
(Domino/Labels)

Hood est un vieux groupe, si l’on considère qu’il naquit à la fin des années 80, dans la banlieue de Leeds. Fortement imprégnés par la new-wave et notamment par Cure, on soupçonnait depuis lors le groupe de détenir en lui un grand disque.

En 1999, ‘the cycle of days and seasons’ sort le groupe de l’ombre grâce à un out-rock proche des premiers albums atmosphériques de Labradford. On croit ce grand disque éclot, et on croit s’en contenter.

2001 : Hood prouve son évolutivité en s’éloignant du son succès relatif de son dernier album. Ainsi, Cold house est fortement parsemé d’une électronica somptueuse (" the winter hit hard "), dont aucun abus n’est fait ; mais surtout, le quatuor britannique à eu l’ingénieuse idée d’inviter, sur plusieurs titres, Dose One, chanteur du groupe de rap underground Clouddead, dont la voix se prête magnifiquement aux nouveaux espaces sonores définis par le groupe.

Cold House s’avère être un disque majeure de cette année, montrant à Radiohead ce qu’est le changement. De plus, des titres comme "You show no emotion at all" ou "You’re worth the whole world" annoncent un genre nouveau, une sort de post-hop rock.

BERTRAND BETSCH
"B.B. Sides"
(lithium/Virgin)

B.B SidesQuatre ans après le très poétique " la soupe à la grimace ", Bertrand Betsch nous revient toujours aussi touchant, avec une pointe de rage maîtrisée en son for intérieur. Sa voix, écorchée et bancale s’adapte à des textes sur le fil du rasoir.

On trouve sur B.B Sides des reprises bien ficelées, comme celle de Dominique A (" la folie des hommes ") ou de Sebadoh (" Punch in the nose "), d’autres moins indispensables ("Nancy " de Leonard Cohen) ; mais on trouve surtout des créations personnelles se démarquant de la chanson française traditionnelle, grâce à une ambiance singulière, due au traitement des instruments acoustiques et des boîtes à rythmes.

Un album qui, à défaut de frapper fort, frappe où il faut.

VITESSE
"What can not be, but is… "
(Acuarela)

2001 aura donc été marquée par une certaine nostalgie des années 80 (Superheroes, Zoot Woman..). Vitesse, duo américain, formé à Chicago, livre une pop électronique rappelant New Order, A-ha mais aussi Joy Division.

Cette pop assume une certaine noirceur, grâce à des compositions plutôt minimalistes et à des paroles mélancoliques. Chaque titre est une petite histoire, une nouvelle traitant d’amours déchus, d’yeux mouillables et de rédemption. Le tout, sans jamais tomber dans les travers de la redite ni dans ceux du cliché.

Il s’agit bien la d’un disque à cœurs ouverts, incluant une épatante reprise de Bruce Springsteen (Unsatisfied Heart). What can not be, but is… nous plonge donc dans une retro-pop rarement aussi réussie, avec des mélodies, des textes et une voix qui occupent l’esprit avec brio.

LOW
"Anthony, are you around?"
(P-Vine Records/Import)

Low ne procure jamais autant d’émotions qu’en live, où l’on peut prendre la pleine mesure de leur musique slow-fi. Il y règne forcément une ambiance sombre et mystique, propice à une fusion entre âme et musique.

Toute la difficulté d’un disque live est de parvenir à recréer l’atmosphère propre au groupe. Pari réussi sur cet indispensable Anthony, are you around ?. Enregistrés à Paris fin 1999, les seize titres nous emmènent dans un univers unique au groupe.

Le mariage de vieux titres (Lazy, Rope) à ceux de l’album ‘Secret Name’ (Remember, Starfire…) s’avère très heureux. On revisite des titres quasi post-rock et on s’imbibe de cette pop lente et raffinée aux accents folk. On profite également de titres (presque) inédits à la splendeur intacte (Joan of Arc, No need), dont on aurait pas pu se passer.

L’enregistrement permet de ressentir la ferveur et le dévouement du groupe pour sa musique et crée une réelle proximité entre l’auditeur et le disque, si bien qu’on se surprend à applaudir. Chapeau !

HEFNER
"Dead Media"
(TooPure)

A l’écoute des précédents singles " the greedy ugly people remixed by " et " Alan Bean ", on savait Hefner intéressé par la musique électronique. Parallèlement, Darren Hayman confessait sur son site son amour pour Kraftwerk, et prêtait, un temps, sa voix à l’experimentalisme post-rock de Piano Magic (single " There’s no need for us to be alone ").

Dead Media en mains, on ne sait donc à quoi s’attendre, si ce n’est à une évolution, et ce, moins d’un an après le remarqué et impeccable " We love the city " . Les premières secondes du disque feront perdre les pédales aux adeptes du groupe…les premières secondes seulement. Car s’il s’agit bien d’un Hefner à la sauce électro, cette sauce est légère, peu pimentée mais savoureuse à souhaits, et surtout parfaitement digérée par le groupe.

Darren Hayman, dans les textes, explore des thèmes déjà visités, mais il aurait tord de se priver de cette faculté à toucher en faisant simple ; déceptions, rendez-vous manqués, amours impossibles, incompréhension… tout y passe.

C’est essentiellement le début de l’album qui se veut digital ; Dead Media, Trouble Kid et Junk sont les meilleurs exemples des nouvelles aspirations du quatuor pop. Agrémentés ça et là d’intermèdes instrumentaux, l’album révèlera un charme insoupçonné du groupe. Le single Alan Bean ne peut que toucher, ode au 4ème homme à avoir marché sur la lune, reconverti en peintre.

Mais c’est le Hefner habituel qui emportera les suffrages, et fera succomber davantage. China crisis, Half a life (tout deux présents sur des disques rares du groupe), et the nights are long s’inscrivent parmis les hymnes pop de ces londoniens, dont la liste est désormais bien longue.

Dead Media, peut être un peu long à frapper, s’avèrera décisif d’écoutes en écoutes, et fera finalement comprendre qu’Hefner est un grand groupe.

A Silver Mount Zion Memorial Orchestra and Tra-la-la band
"Born into trouble as the sparkle fly upward"
(Constellation)
Set fire to flames
"Sings Reign Rebuilder"
(Alien 8 Recordings)

Le collectif Godspeed you black Emperor! sort, sous deux dénominations différentes, deux disques d’une grande amplitude. L’existence de ces deux sous-divisions témoignent de la liberté individuelle dont chacun dispose au sein d’une communauté mystique, constatant et décriant un monde d’aliénation, où le rêve n’a plus sa place. Le but de leur réflexion se veut simple : procurer une évasion unique et permettre chez l’auditeur une introspection profonde.

A Silver Mount Zion prend, sur son deuxième disque, une dimension majestueuse, grâce à des montées en puissance épique, grâce à l’énergie insufflée à des instruments variés (scie musicale, piano, violoncelle, contrebasse, guitare). Lorsque des chants habités surviennent (" Take these hands and throw them to the river"), ils laissent transpirer une hargne latente, une violence touchante. L’album libère de tensions quotidiennes insoupçonnées et donnera une sorte de foi aux plus cartésien.

Penchant plus vers l’expérimental, Set fire to flames regroupe, parmi ses membres, toute la famille de Gospeed (Sackville, One Speed bike, Fly Pan Am…).Ce pot-pourri s’est réuni pendant cinq jours, dans un appartement de Montréal, afin de laisser parler la musique qui était en eux. Les quinze titres ainsi enfantés suivent eux aussi une trame enchanteresse et hypnotique, évoquant une sorte de reconstruction architecturale. Travail d’une grande envergure, réalisé néanmoins par des mélodies détruisant les préceptes musicaux habituels.

L’album fourmille de lieux paradisiaques illustré par, là aussi, une grande multiplicité d’instruments et une dose non négligeable d’électronique.

Deux disques à fleur de peau, et comme à l’accoutumée, deux pochettes et livrets admirables.

 
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