SDEP :
A quand remonte l’idée d’un projet solo ?
Nicolas
: mon endroit de prédilection pour faire de la musique est quand même
ma chambre, et mon instrument préféré la guitare. Donc c’est comme ça
que j’ai fait Prohibition, c’est comme ça aussi que j’ai écrit cet album.
J’ai
choisi le nom Don Nino comme un jeu sur les mots, comme domino, ou bien
avec une consonance italienne ou sicilienne ; c’est aussi une sorte
de clin d’œil à mes origines espagnoles. Les gens ne le prononcent pas
de la même façon selon leur interprétation.
Quant
à l’album, je suis devenu père récemment, j’ai eu envie de porter moi
aussi quelque chose à cette occasion.
Tu es
passé de ton travail avec Prohibition, qu’on a comparé au « post-punk »
américain, à un album qui sonne plus folk, avec parfois des influences
jazz… Tu écoutes beaucoup de musique ?
J’aime
bien le côté source intarissable de la musique…
Je
n’ai pas beaucoup de disques chez moi, j’ai par contre énormément de
listes : je demande aux gens que j’aime beaucoup des listes de
leurs chansons ou disques préférés, dans la perspective d’être un jour
millionnaire et d’acheter tous ces disques, des musiques que les gens
que j’aime aiment.
J’aime
aussi beaucoup les K7 que me font mes amis, comme dans « High Fidelity »…
Quand on aime quelqu’un, on a envie de lui faire découvrir ce qui nous
plait, un livre , une chanson, …
Dans
ce que j’ai envie de faire écouter aux gens, il y a effectivement du
jazz, John Coltrane, Miles Davis, … j’aime beaucoup aussi Syd Barrett,
Bob Dylan, des chanteurs de blues aussi : le blues originel, qu’on
peut rapprocher de la musique indienne.
La plupart
des prises sur l’album sont live, était-ce une volonté dès le départ ?
Oui,
l’enregistrement s’est fait de façon assez spontanée. J’ai travaillé
avec mon frère, donc avec une totale transparence, et dans un confort
qui est très rare.
Quelle
est l’importance des textes dans tes chansons, les écris-tu avant la
musique ?
C’est
un processus aléatoire, soit tu as vraiment une idée de texte et tu
trouves un arrangement de guitare adapté à ce que tu exprimes, ou bien
au contraire c’est une ambiance musicale qui va générer un sentiment,
qui te donnera envie de parler de certaines choses et pas d’autres.
Ca fonctionne dans les deux sens.
C’est
un peu une rencontre avec un deuxième soi, qui t’amène à la guitare,
à moins que la guitare ne t’amène à lui.
Les
titres de tes chansons semblent faire souvent allusion au temps…
J’ai
un côté assez mélancolique, paraît-il. Il y a un aspect omniprésent
dans les textes de mes chansons, par rapport au temps. Un ami m’a fait
admettre ça, je suis un obsédé de la fuite du temps.
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Lori
& Shane |
Y-a–t’il
une heure de la journée à laquelle il vaut mieux écouter ton album ?
A
chacun de voir, je ne veux déprimer personne…
On
m’a dit que mon album était sombre, je ne suis pas d’accord. Pour moi
il est introspectif, coloré, …
Je
me suis limité, sur les trente chansons que j’ai écrites, j’en ai choisi
treize, qui racontent un parcours, une histoire, ou qui expliquent le
rythme des saisons.
Il
y a des chansons qui sont franchement des ragga du matin, d’autres qui
correspondent vraiment au soir.
Et en
parlant de couleurs, tes chansons t’évoquent des paysages particuliers ?
Un
paysage pas vraiment, mais c’est vrai qu’il y a toujours un univers
mental approprié à une chanson. Sur scène je ressens toujours la même
impression, ou couleur, associée à telle chanson.
La scène
après l’album, tu appréhendais un peu, ou pas du tout?
J’ai
fait pas mal de concerts tout seul, en Angleterre, en première partie
d’Herman Düne, où les gens réagissaient très bien par rapport aux textes,
ce qui m’a encouragé.
Puis
j’ai fait cet album dans des conditions idéales, et pour l’adapter à
la scène j’ai choisi mes musiciens : Lori [Chun Berg], qui a participé
comme invité à l’album (batterie, trompette), et qui joue par contre
sur scène piano et guitare, et Shane [Aspegren], un batteur américain
(Songs :Ohio, Bright Eyes, …), en mélangeant les rôles, pour qu’ils
apportent une dimension et une touche personnelle en plus.
Un
mec tout seul avec sa guitare, il ne tient pas longtemps.
Tu as
fondé le label Prohibited avec ton frère, tu peux nous en dire plus?
On
a créé le label en 1994, mais la première sortie a été celui de l’album
de Prohibition en 1995.
C’était
avant tout la réalisation d’un rêve d’enfant : d’abord faire de
la musique puis avoir un label. Mais c’était aussi surtout pour trouver
des solutions face à une sous-représentation d’une scène existante à
Paris. A la fin des années 80 il y avait à Paris des hordes de groupes
passionnants et que personne ne connaissaient, et qui en plus se détestaient
entre eux.
Nous
on avait plutôt un état d’esprit collectif. On a créé un premier collectif
(Jug) et on a organisé des concerts, et au troisième album de Prohibition
on a créé le label, qui est devenu de plus en plus structuré, mais
qui fonctionne toujours de façon communautaire : chaque groupe
apporte son capital artistique et financier. On ne veut pas devenir
un gros label commercial, on tient à garder une dimension artisanale.
Comment
envisage-tu la suite de Don Nino ?
Un
album par an !
Interview
réalisée avec Radio Campus Grenoble, merci !
Prohibited
records :
http://www.prohibitedrecords.com/
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