Une histoire de penalty

MOGWAI Happy Music for Happy People

Achetez ce disque!

C'est la quatre-vingt dixième minute. Les Celtics de Glasgow ont besoin d'un petit but pour remporter le championnat et ridiculiser les Rangers, éternels rivaux. Hugh Dallas, qui officie pour cette rencontre, regarde sa montre et indique qu'il accord quatre minutes de temps supplémentaire, ce qui est normal eu égard aux échauffourées occasionnées par l'expulsion méritée de Christophe Cocard, l'ancien auxerrois reconverti en star à Kilmarnock. Didier Agathe lance Henrik Larsson dans la surface, qui crochète, passe en revue deux adversaires, puis est taclé par le défenseur central Barry Mc Laughlin. La foule gronde, le Celtic Park est chaud comme une bouillote, H. Dallas porte le sifflet à sa bouche..........................................

Mogwai joue sa musique à cet instant précis où le temps se fige, où tout le monde retient son souffle, où tout le monde sait que ce qui va se passer est vital. Le quatrième album des glaswegians ne rompt pas avec l'habitude qu'a pris le groupe de s'amuser avec la temporalité et l'apesanteur, mais la bande de Stuart Braithwaite semble avoir assumer ses envies de changements. Dans la lignée de Rock Action, mais avec une maîtrise plus grande, Mogwai crée des instants fragiles, ou le beau est laissé tel quel, sans être anéanti par une horde de guitares furibardes, à la manière d'un Sigur Ros.

Enregistré avec Tony Doogan, l'habituel producteur des disques de Belle and Sebastian, "Happy Music For Happy People" n'est pas pour autant un disque pop. Mais, sous la houlette du perfectionniste Dominique Aitchinson (aka Dominique Sonic), le touche à tout du groupe, Mogwai a décidé d'introduire de l'électronique ("I know you are but what am I?"), des vocoders, a décidé d'aborder ses envolées sous un autre angle. Les montées en puissance sont plus progressives, mais surprennent parce qu'on n'est pas habitué à ça chez les Ecossais.

"Hunted by a freak", à la première écoute, m'a laissé perplexe: "Ah…je vois hum hum". Et puis, peu à peu, ce titre qui démarre doucement, qui rappelle Air, s'avère être la juste introduction pour ce disque. Du nouveau, certes, mais du Mogwai (lignes de guitares très reconnaissables). D'écoutes en écoutes, ce "Hunted by a freak" devient même un des meilleurs morceaux du disque, prend aux tripes.

Mon problème ensuite, est que je n'arrive à écouter l'album qu'en entier, comme si les morceaux formaient un tout indissociable, comme si le calme inquiétant de "Moses? I Amn't" ne pouvait pas aller sans le vaporeux "Kids Will Be Skeletons". Je ne décroche pas. Je n'arrive même pas à décrire la musique tant elle fait appelle à autre chose qu'à des mots. Je suis fan de Mogwai et c'est comme si c'était inné, comme s'ils jouaient la musique que j'entendais alors que j'étais dans le ventre de ma mère. C'est pourquoi, d'ici un an, il me faudra peut être écrire une autre chronique, moins à chaud, sur ce Happy Music For Happy People, parce qu'il faut du temps pour s'en remettre.

…………………Le stade est vide. L'histoire ne dit pas si le penalty à été accordé, si Henrik Larsson s'est fait justice lui même, si les Celtics de Glasgow sont devenus champions. Ce qui est sûr, par contre, c'est que Mogwai remporte une grande victoire sur lui même, sur nous. Pour longtemps.

MOGWAI, Happy Music for Happy People
(PIAS)

http://www.mogwai.co.uk
http://www.pias.com