Un ouragan sur DC
SIGUR ROS, Lincoln Theatre, DC - 4 novembre 2002

( >>> check LP review - chronique de l'album >>> )

J’avais déjà vu SIGUR ROS en 2000 à Saint-Denis, en première partie de RADIOHEAD pendant la ‘tournee chapiteau’. Ce jour-la, le public impatient réclamait RADIOHEAD, SIGUR ROS avait accroché l’œil et l’oreille mais n’avait pas fait l’unanimité. Fraîchement débarqués dans la cour des grands, le tapis rouge leur est maintenant déroulé pour la sortie de leur nouvel album : ils jouent ce soir dans la belle et grande salle d’un théâtre, devant un parterre de fans sages et disciplinés.

SIGUR ROS, Toulouse, 2000 -> more pics

Après une première partie minimaliste et oubliée, suivie d’un abandon de ma mauvaise place numérotée, les Islandais rentrent enfin en scène et l’explosion est immédiate : le public se fige, le temps s’arrête, alors qu’un ouragan sonore se déverse dans la salle. Les spots, venus du fond de la salle et de derrière la scène, répandent des grandes ombres vertes et des reflets rouges sur les balcons. Pendant les deux heures qui suivront chacun oubliera la présence de ses voisins, les oreilles submergées par une musique belle à pleurer, oubliera DC pour se retrouver nulle-part, en apesanteur au centre de la terre.

Les chansons sont construites avec une alternance de passages délicats, comme quand jón birgisson, sur le refrain de svefn-g-englar, chante à travers les micros de sa guitare, l’accompagnement s’éteignant jusqu’a un ‘a capela a travers guitara’, qui fondent en de grands déballages de nappes électriques, superpositions invisibles pour former un tout fiévreux qui envahit les moindres recoins de la salle. Les quatres garcons (batterie, basse, guitare, claviers) sont aidés sur la plupart des morceaux par autant de filles aux violons et violoncelle ; le groupe, habité, ne pipera pas mot entre les chansons : cette musique n’est pas faite par des humains, elle semble naturelle, minérale, et tellement évidente. Les derniers morceaux en particulier sont époustouflants, et jón montre que sa voix a gagné une assurance incroyable, allant parfois jusqu’à rivaliser avec un farinelli, on en a des frissons dans le dos. La guitare, souvent frottée avec un archet, crée des sons indéfinissables, sur un morceau une baguette fait galoper la basse, pour finir par un grand défoulement électrique... L’exercice est délicat, une telle profusion pourrait mener à un résultat trop riche et sucré, mais cette musique-la est tout simplement bouleversante tellement elle tombe juste.

Tout ceci conduit à un final étiré et explosif, pendant lequel les murs du théâtre auraient pu s’effondrer sans que cela ne surprenne personne. Quelques secondes avant la fin, le public jusque-la assis et transi se lève d’un bond unanime pour une standing-ovation spontanée. Rappel longuement réclamé, jolies courbettes seulement nous eumes.

Je n’ai pas écouté le dernier album, mais difficile de croire que tout ca puisse tenir sur un si petit disque.

On doit se sentir, devant une critique comme celle-la, aussi sceptique que face à quelqu’un qui tente d’expliquer avoir été ému par un coucher de soleil, et pourtant ces moments-la arrivent parfois...

Site officiel : www.sigur-ros.com
Voir aussi : www.sigur-ros.co.uk